17h50. Une fin d’après-midi ordinaire.
Cette boule d’angoisse qui me tord l’estomac.
Il va bientôt rentrer. Il va envoyer bouler les mômes qui voudront lui faire un câlin. Parce qu’il est fatigué. Qu’il vient de rentrer. Qu’il a X bonnes raisons.
J’aurai mal au coeur, encore.
On va se passer à côté et soigneusement éviter de se parler. Je vais gérer les bains, les devoirs, les fringues pour le lendemain. Sûrement que les mômes finiront par se chamailler pour une connerie.
Alors il va rester là à attendre, puis sûrement exploser. Sortir ses noms d’oiseaux préférés. Ces mots réflexes qu’il utilise sans même plus y penser.
Il vaudra mieux pour eux qu’ils ne soient pas trop bruyants. Qu’ils viennent à table sans rechigner. Qu’ils évitent de renverser quoique ce soit, s’ils ne veulent pas encore subir l’agressivité l’attente d’un père qui ne sait plus communiquer autrement.
J’aurai mal au bide, encore. De les entendre se faire renvoyer dans leurs filets. De le voir leur passer à côté sans les voir, de les considérer comme des boulets.
Je me collerai dans ma bulle et j’essayerai de comprendre, encore.
Comment on en est arrivés là ?
C’est vrai qu’ils sont bruyants. Qu’ils se chamaillent pour rien. C’est vrai qu’on a des voisins. Qu’ils savent pas vivre ensemble sans se disputer. C’est vrai. Ce sont des enfants.
Je finirai par exploser à mon tour. Lui dire de leur parler correctement. Je m’en prendrais plein la tronche à coups de « toi ta gueule » et de « fais pas chier ».
J’irai même pas pleurer dans mon coin. Y’a bien longtemps que je ne pleure plus pour tout ça. J’ai l’habitude, ça fait des années.
Il faut que je m’en aille. Que j’extirpe mes mômes de tout ça.
Rester, c’est cautionner. Est-ce que c’est ça que je veux comme enfance pour eux ?
Pourtant il les aime, j’en suis certaine. Enfin, je crois.
En fait je sais pas, je sais plus. Comment tu pourrais te comporter ainsi avec ceux que tu aimes, toi ?
J’ai pas envie qu’il rentre. J’aime pas quand il est là. Il se met dans son coin et il oublie qu’il doit aussi être là pour eux.
Et moi, je suis comme figée. Je perds toute énergie, toute envie, toute motivation. Je me sens opressée de savoir déjà comment va se passer la soirée.
Je ne me souviens pas l’avoir vu regarder leurs cahiers. Discuter avec eux. Il dit qu’il le fait le soir, en les couchant. Il s’excuse pour son comportement. Il concède que c’est pas bien, qu’il ne devrait pas parler comme ça.
Et puis on y retourne, le lendemain, ce foutu naturel revient au galop.
Est-ce que c’est comme ça qu’on éduque ses enfants ? Est-ce que c’est ce que je voulais pour eux ? Mais est-ce que je leur souhaite des parents séparés ?
En fait on s’est plantés sur toute la ligne. Ils ont le choix entre un père agressif ou des parents séparés. Tu parles d’une ambiance.
T’essayes de savoir pourquoi il est comme ça. De creuser, d’interroger. Tu te heurtes à un mur et tu te fais envoyer bouler. Encore.
Puis un jour on te balance que tout ça, ce sont des violences conjugales.
Certes, il n’y a jamais eu de coup, jamais de violence physique. Mais les insultes au quotidien, la peur de mal faire et de déclencher une crise, ce besoin de tout contrôler au quotidien pour ne pas risquer d’en prendre plein la tronche, ce sont les conséquences de la violence verbale et psychologique. C’est de la violence conjugale madame. Vraiment.
Au fond je le savais. Je suis pas stupide, j’avais bien conscience que c’était pas normal tout ça.
Mais… Qui va me croire ? A l’extérieur, tout paraît tellement normal. Derrière la porte, tout semble simple. Une jolie petite famille avec 3 jeunes enfants. On a l’air de la famille idéale, 3 beaux enfants, une grande maison, un monospace derrière génération, des mômes en école privée, un couple sportif qui court ensemble après le boulot.
On fait bien dire aux apparences ce que l’on veut, tiens.
En vrai, on est un couple qui ne se parle plus depuis des années, sauf pour s’invectiver. Il est un père présent physiquement mais absent mentalement, pour qui les mômes sont comme des fardeaux. Je suis une mère qui donne le change en public et passe des heures à s’en vouloir le soir au fond de son lit.
Pourquoi tu pars pas ? En fait, tu cautionnes.
Regarde comment il se comporte, comment il te parle, comment il parle aux enfants ? Ils méritent pas ça. Et toi tu restes là, t’es vraiment une mère en carton. Tu te fais maîtriser par un mec qui te crie dessus, juste pour avoir la paix. Tu réponds même plus, tu sais que c’est peine perdue.
Va leur expliquer toi, que tu pars pour eux. Pour les sortir de cette ambiance mauvaise pour eux. C’est leur papa, ils l’aiment, et il les aime aussi c’est sûr. Il sait juste pas gérer. Il doit juste pas être heureux.
Y’a bien une raison bordel, je sais qu’il aime ses enfants.
Mais il partage rien avec eux. Il souffle dès qu’ils lui adressent la parole. Il les abime à petit feu avec son agressivité.
Et puis un jour c’est le jour de trop. Quand tu entends violences conjugales et que tu te sens concernée. Quand tu réalises que ton bonheur et ta vision de la parentalité, c’est tout sauf ça.
Tu veux des rires, de la légèreté. Des mômes qui s’éclatent, qui s’épanouissent, de la complicité. Tu ne veux plus de cette foutue boule au ventre, plus te demander quelle saloperie tu vas encore te prendre dans la figure en rentrant.
Faut que tu t’en ailles, tu le sais.

Tu lui souhaites de trouver l’apaisement, lui conseille une dernière fois de se faire aider. T’espères qu’il va prendre conscience et se rendre compte de la chance qu’il a d’avoir 3 chouettes enfants. Tu répètes à tes mômes qu’ils ont un papa qui les aime, mais qui sait pas être papa.
Parce qu’il a pas appris. Pas su. Parce que… Arrête de l’excuser.
C’est à lui d’agir maintenant, c’est lui qui a les cartes en main.
A lui de jouer, de mesurer la chance qu’il a d’avoir des petits bonhommes là dans sa vie.
A nous de construire notre quotidien tous les quatre. De retrouver la sérénité et l’apaisement. On est sur le bon chemin. Et quelques mois plus tard, je crois que lui aussi.
Et oui, scène banale du quotidien. J’ai lu a mon conjoint lui ai dit que je retrouve certains de ses comportements dans ce portrait. Pas dans notre relation heureusement mais dans la façon de gérer les enfants. Beaucoup d’hommes pensent que crier hurler c’est être l’autorité. A sa décharge ça a souvent plus d’efficacité que mes gentilles negociations bienveillantes. Les miens non plus ne savent pas jouer ensemble 5 mn sans dispute. Comment on fait dans ce cas ? J’ai pas envie de divorcer moi….
Je suis en train de lire vos articles. Ce matin j’ai lu le dernier et puis je découvre l’évolution de votre relation. Je me retrouve tellement dans ma relation actuelle… Courage à vous