Un mercredi après midi parmi d’autres.
J’emmène la Maxi-Fille en balade, nous marchons main dans la main avant de nous installer côte à côte dans le métro.
Elle parle, sourit, pose des questions, atterrit sur mes genoux, en descend, revient, puis s’assied face à moi.
Je lui caresse les cheveux, la regarde en souriant.
Je peux voir les gens sourire autour de nous. Une maman et sa fille, un échange de tendresse, une jolie complicité, c’est attendrissant c’est certain.
S’ils savaient.
S’ils savaient que derrière ces sourires et cette apparente insouciance se cachent tant de larmes, de cris et d’incompréhension.
S’ils savaient que de tendresse, il n’y a entre nous que cette main passée dans ses cheveux à cet instant présent.
Que loin des regards, on est aussi loin de tout ça.La vérité est bien moins belle, bien moins attendrissante.
Il m’arrive, lorsque la demoiselle a un temps calme à jouer tranquillement ou à dessiner, de l’observer de loin, discrètement.
Je me dis qu’elle est jolie, ma fille. Ces traits fins, ces petites tâches de rousseur, cette allure un peu frêle et ce regard profond. Elle est belle, vraiment.
Et puis… ? Et puis c’est tout.
Je n’ai pas envie d’aller vers elle, pas envie de m’approcher pour regarder ce qu’elle fait, pas envie de venir lui faire un câlin ou un bisou. Non, rien.
Juste l’appréhension que cet instant prenne fin et que tout à coup elle m’appelle ou se jette sur moi.
Elle est comme ça. Vive, dynamique, elle n’aime pas être seule. Elle a besoin d’être entourée, écoutée, encouragée, observée, tout le temps. Quoiqu’elle fasse, elle s’interrompt toutes les 5 minutes pour se jeter sur moi, un bisou, un câlin, je veux venir sur toi. Et parler, parler… Elle parle tellement que parfois même je ne supporte plus le son de sa voix.
Elle est comme ça. A l’opposé de moi.
Elle a besoin d’attention, je suis plutôt indépendante.
Elle aime le bruit, je ne supporte pas d’entendre une mouche voler.
Elle est spontanée, je suis réfléchie.
Elle est provocatrice, je ne suis pas très patiente.
Elle et moi. Chien et chat.
Souvent, je repense à ces moments où nous n’étions que toutes les deux, lorsqu’elle n’était encore qu’un bébé. Ses premières évasions à 4 pattes, ses temps de jeu assise dans le salon, ses grands sourires, ses gazouillis. Notre complicité.
A l’époque je nous décrivais fusionnelles, et c’était vrai. Mais ça, c’était avant.
Aujourd’hui, nous sommes tellement opposées. C’est difficile à dire, encore plus à écrire, mais je suis obligée de le constater. J’ai cette foutue impression que nous sommes davantage l’une contre l’autre que l’une avec l’autre.
Je ne supporte plus ses cris, ses larmes, ses coups d’éclats. Je ne supporte plus quand elle hurle, quand elle se force à pleurer. Je ne supporte plus ses NON, ses J’AI PAS ENVIE, ses multiples provocations. Ces comportements excessifs ont pris le pas sur tout, et je me suis fermée. Je n’ai plus envie. Plus envie de bisous, plus envie de câlins. Je stresse dès lors qu’elle s’approche de moi. J’ai peur qu’elle me saute dans les bras. Je ne vois plus en elle que les conflits. Le câlin du soir est vite expédié, les temps de jeu sont refilés au papa, comme le reste d’ailleurs. Plus il peut s’en occuper, mieux c’est.
Je ne suis plus cette maman tendre et attentionnée, plus avec elle en tout cas, ou alors plus souvent. Je ne suis souvent qu’une éducatrice, ni plus, ni moins. Celle qui pose les limites, qui cadre, qui explique les règles, envoie au coin si elles sont transgressées.
Celle qui trouve n’importe quel prétexte quand sa fille la sollicite pour partager une activité : la lessive à étendre, un steack à décongeler, la couche du bébé à changer, tout est bon pour y échapper.
Oui, les mots sont durs, oui, c’est moche. Non, ça ne me plait pas. Oui, j’ai essayé de faire quand même, de tout bousculer. Comme l’appétit vient en mangeant, je me suis dit que la complicité viendrait à force de provoquer les opportunités.
Non. Ca n’est pas si simple que ça. A la moindre étincelle, je perds patience, je m’agace, je m’énerve. Tout se finit dans les larmes et les hurlements. Tellement que je me dis que finalement, c’est mieux si on n’échange pas trop, ça évite que l’on en vienne à ce genre de coups d’éclats.
C’est moche et ça me fait flipper. La tendresse a fait place à la peur. J’ai peur pour elle, j’ai peur pour moi.
Je transpire la culpabilité. Je suis sa mère, bordel, et elle n’a pas encore 5 ans. Elle n’est pas responsable, c’est forcément moi. Mais où, comment, quoi ? Comment est ce que je peux ne pas résister à embrasser mon fils 20 fois par heure et passer à côté d’elle sans même avoir l’envie de m’approcher ? Comment est ce possible, d’en être arrivées là ?
Et puis elle crise, à nouveau, pour rien. Et je me dis que non mais attends, là vraiment j’y suis pour rien. Je pige pas d’où ça vient, pourquoi elle s’enflamme comme ça ?
Et où est ce qu’on va ? Qu’est ce que je fais pour elle, moi, sa maman? C’est quoi cette image pourrie de la mère, qu’est ce qu’il en sera de sa propre construction en tant que femme, puis en tant que maman ?
Est-ce qu’elle aura confiance, est-ce qu’elle s’appuiera sur moi ? Est ce que je suis pas en train de lui faire louper des maillons essentiels pour sa confiance en elle, pour son bonheur, plus tard ?
Moi moi moi et remoi. Pour le coup mon questionnement est très centré sur moi. Je m’interroge beaucoup, sans pour autant trouver de solution.
Ce n’est pas normal de ne pas savoir prendre sa fille dans ses bras sans ressentir un semblant de malaise, une distance bien palpable malgré l’apparente proximité. Pas normal de ne pas se jeter sur elle pour la câliner lorsqu’elle rentre de l’école. Pas normal de soupirer à l’idée de se poser avec elle autour de quelques crayons.
Elle est chiante, relou, super vive, provocatrice… Oui, elle a 4 ans et demi. Et alors, c’est une enfant… C’est MON enfant.
Tout ça je le sais bien. Mais je suis comme ça. Je mets du temps à redescendre, à aller au delà des conflits. Je mets du temps à digérer. Même avec une 4 ans et demi. J’ai du mal à passer au dessus des ces longs mois où le quotidien n’a été que défiance et provocation.
Et puis heureusement il y a ces moments.
Ces instants de calme après la tempête. Où j’admire sa douceur, sa sensibilité. Elle aime les autres ma fille, et elle est aussi excessive dans sa tendresse que dans sa colère.
Alors comme elle ne sait retenir ni larme ni cri, elle partage joyeusement ses émotions.
Un rien la peine, un rien l’angoisse, un rien la touche aussi.
Et entre deux crises, quand elle console son frère, câline sa sœur, quand elle s’endort en serrant fort son doudou dans les bras, quand le calme reprend le dessus entre nous, je m’approche et lui dépose un bisou sur le front.
Et je me rassure. J’ai beaucoup de tendresse, beaucoup de fierté, beaucoup d’amour pour elle. J’ai juste énormément de mal à lui exprimer. Et de crainte aussi. Crainte qu’elle sente une faille dans l’armure qui me sert à la cadrer. Et qu’elle s’engouffre dedans. Et qu’elle recommence à tout vouloir, tout exiger, criser pour un oui ou pour un non.
Je me rassure comme je peux, lorsqu’en discutant avec les copines je m’aperçois que les 4 ans et demi sont relou partout, que les relations sont tendues partout aussi. Il n’y a pas qu’à la maison, je ne suis pas la seule.
Mais ça m’énerve, quand même, de passer tout ce temps dans le conflit.
J’espère un jour passer au delà de tout ça. Que les choses s’apaisent. Je rêve d’après-midi shopping avec elle, ado. De soirée ciné. De moments sympas entre filles à discuter. De cette complicité. Et de la tendresse retrouvée.
Moi je soigne le mal par le mal, tant pis si ça finit mal tant pis si on s’agace. Je passe le plus de temps possible avec elle, parce que j’en ai besoin. J’ai cette tendresse en plus, cette rancune en moins, ma fille c’est mon tout, mon sourire et mes larmes aussi, ainsi va notre vie.
Mais c’est en me détendant et en laissant couler certaines choses, en l’emmenant faire du shopping et en lui consacrant des moments rien qu’à nous, qu’elle devient plus cool.
Ne lâche rien, continue à ton rythme, pour y prendre goût et le faire de plus en plus. Mise tout sur le calin du soir, l’histoire, le papotage qui suit, le coeur parle plus à ce moment là.
Bisous copine !
C’est beau et courageux de se remettre autant en questions. Vous allez y arriver j’en suis certaine. Je vous fais plein de gros bisous et vous envoie beaucoup de courage
Pfiou, il est dur ce billet et il m’attriste pour elle, pour toi, pour vous…
En le lisant je me dis qu’il faut vraiment que vous soyez accompagnées par quelqu’un de pro. Une personne bienveillante qui vous aidera vraiment (je reste douteuse quant à la psy que vous avez vue suite à ce que tu nous avais raconté quand on a diné ensemble).
Très en vrac… J’ai l’impression que vous vous enfermez dans un cercle vicieux. A mon avis, plus elle te sent réticente, plus elle va rechercher ton approbation, venir te solliciter, voire à l’inverse te provoquer pour te faire réagir. Je l’ai vu aux pires moments entre mon homme et SweetPrincess.
A contrario peut-être faut-il aussi t’accorder le droit de souffler sans elle et parfois t’en éloigner davantage et passer le relai (je sais, encore faut-il que ce soit possible…) pour mieux la retrouver ensuite.
Parce que le risque dans tout ça c’est (et ce que je m’apprête à formuler est rude, je le sais bien, mais je suis sûre que tu te le dis aussi) c’est qu’elle se sente rejetée, moins aimée que ses frère et soeur… Même si tout ne se joue pas maintenant, c’est un peu malgré tout aujourd’hui que se construit votre relation d’adultes et les blessures d’enfance demeurent à l’âge adulte. Je dis ça sans méchanceté. Rien n’est figé et perdu aujourd’hui. Mais c’est vraiment maintenant qu’il faut essayer d’avancer, de faire bouger les choses.
Peut-être y a-t-il aussi des choses qui t’échappent. Des choses de ta propre relation avec ta mère que tu reproduis sans le vouloir parce que tu n’as connu que ça et qu’il te faut l’aide d’une tierce personne pour sortir de ce schéma.
Et bien sur il y a aussi ce que tu ne maîtrises pas à savoir son caractère aux antipodes du tien. Après la partie « crises », impétuosité, etc. va aussi se calmer au fur et à mesure qu’elle va grandir.
Et n’hésites pas à lui dire les choses. Que tu l’aimes mais que là à ce moment précis, elle te fatigue et que tu ne supportes plus son attitude.
Bref, j’espère ne rien dire de blessant ou maladroit. Ce n’est pas le but. Ce sera plus facile d’en parler de vive voix quand on se verra…
Des bisous
Whaou, merci d’avoir pris le temps de me laisser ce loooong mot ! Je pense vraiment qu’elle a besoin de beaucoup beaucoup d’attention et qu’à un moment donné, elle a mal pris l’arrivée de son frère. Très sincèrement je fais confiance au temps, je pense que je me pose trop de questions. On a une relation en dent de scie, elle est petite encore et se cherche, me cherche beaucoup. J’ose espérer qu’en grandissant elle saura s’exprimer, on pourra discuter et ça ira mieux ! Merci beaucoup encore, d’être là. Des bisous !
Oui le temps va jouer en votre faveur parce qu’elle va aussi être moins dans la réaction immédiate (et donc la crise) et devenir plus posée. Et puis avec les mercredis et les sorties blog c’est aussi l’occasion de faire des choses en solo avec elle (ce qui peut vouloir dire n’avoir qu’elle avec toi mais voir des cops à toi qui ont des enfants du même âge) et ça c’est bien aussi.
Après, je ne sais pas si vous continuez avec la psy mais si oui je ne suis pas sûre qu’elle aide à la non-cogitation car il avait l’air de lui manquer ce côté « bienveillant » (et puis te faire formuler la situation devant ta gamine ct pas top !!!)
Pffffiou…. Me dire qu’il faut que je recommence à suivre mes blogs fétiches, commencer par toi, commencer par cet article.ça remue. Bravo pour ton courage !
Ça remue des sentiments forcément par rapport aux conflits que je peux avoir avec Num1. La différence est qu’elle met plus facilement des mots et du coup, exprime clairement sa peur vis à vis de moi parfois: elle a peur que je l’aime moins que sa sœur qui me ressemble plus caractériellement parlant.
Je rejoins donc un peu Audrey…parce que c’est ce qu’a exprimé ma Num1 à 6 ans….et pourtant nous ne sommes pas dans un conflit long et prolongé…..
Il se passe beaucoup de choses entre les mots…et je crois que oui parfois nous ne sommes pas connectées mais ne lâche rien surtout et fais confiance au temps !!!!
Plein de bisous
Oui je pense qu’il faut du temps en fait. On passe quand même des moments sympa ensemble de temps en temps. Je me dis qu’il y a des enfants plus « faciles » et d’autres moins. D’ici quelques temps elle sera plus à même de mettre des mots aussi, et je pense que c’est ce qu’il manque pour que l’on se comprenne vraiment. Des bisous et merci de ton soutien :)
Le point positif c’est que deux 4,5 ans relou ensemble ça se passe nickel ;)
Ahah mais oui carrément, et ça c’est juste GENIAL :)