35 ans. 3 enfants. Un mari. Une maison et un appartement. Un monospace. Un CDI et des horaires de bureau. Des potes, des amis. Des vacances à la mer et des samedis poney.
La Bretagne, la course à pied, les bons restaus de temps en temps.
C’était plutôt pas mal, vu d’ici.
Le genre de vie dont tu rêves, petit. En tout cas quand t’es de ma génération.
Le genre de vie qui a bercé tes idéaux d’enfants. A mon époque, c’était ça « réussir sa vie« . Se marier, avoir des mômes, un emploi stable et au moins un crédit immobilier.
Moi, quand tu me demandais à 20 ans où je me voyais dans 10 ans, j’me voyais parcourir le monde, sans attache familiale mais avec un boulot excitant.
Et puis je suis rentrée dans le moule parce qu’il était rassurant. Pas vraiment pour moi au fond, juste parce que c’était dans l’ordre des choses. Parce que c’était la vie que mes parents avaient tentée et foirée, et que dans ma tête de môme il fallait faire mieux que ça. Faire plaisir aux parents. Arrêter les conneries, se poser et construire un truc plus solide que le leur, rassurer mon père avant qu’il parte.
Réussir sa vie.
J’ai coché les étapes une par une. Le couple stable, le CDI, le bébé, le petit frère, l’appart’, la petite soeur, la maison. Et puis je me suis retrouvée face à moi-même un beau matin à me sentir étrangère à cette vie là. J’ai sauté à pieds joints dans le sport parce que quand tu cours t’oublies tout. Tu te dépasses toi-même, tout le temps. Tu te prouves que tu peux faire, et faire mieux, et encore mieux.
J’ai couru après ma vie pendant quelques années. Echappé à mon quotidien pendant des mois. Ce quotidien si merveilleux sur le papier mais tellement rude une fois la porte fermée.
J’ai regardé mes enfants grandir.
Se construire comme je l’ai fait, dans une famille idéale sur le papier mais tellement merdique dans la vraie vie.
Des parents qui s’engueulent tout le temps. Un père absent émotionnellement, une mère à bout de souffle qui essayait elle-même de se persuader que c’était ça la vie : la routine, l’ennui, les engueulades, les insultes, l’absence de communication.
Une mère qui se disait que c’était pas si grave, au moins ils avaient leurs deux parents.
J’ai regardé mes copines vivre de chouettes week-ends en famille, j’ai bavé d’envie sur les jolies photos de couple idéal et de famille soudée sur les réseaux sociaux. J’ai bien vu, bien compris qu’un truc clochait chez nous. Mais après tout, peut-être qu’au fond c’est comme ça chez tout le monde, mais personne ne le dit.
Et grandir encore.
J’ai vu mes mômes chercher une tendresse et une affection paternelles qu’ils ne trouvaient pas.
Entendu une fratrie se déchirer comme leurs parents le faisaient. J’en ai eu marre de voir ce père idéal à l’extérieur se transformer en indifférent agressif dans la sphère privée.
Ras le bol de me voir être une maman que je n’aimais pas.
Une maman qui avait abandonné. Bercée d’idéaux bienveillants et d’envies de douceur et de complicité, frustrée de vivre dans un environnement froid et triste peu propice à la légéreté.
Et puis j’ai compris.

Réussir sa vie, c’est tout sauf sauver les apparences.
Alors tant pis pour elles, tant pis pour le papier glacé. Je me suis fichue un bon petit coup de pied au cul, j’ai rencontré des professionnels de santé, osé avouer la réalité de mon quotidien.
J’ai eu la chance d’être écoutée et accompagnée. Remise dans le droit chemin.
Est-ce-que vous êtes heureuse ? Est-ce que c’est ça votre vie ? Qu’est ce que vous changeriez ?
J’veux des enfants qui jouent et qui rient. Je veux rire avec eux, mettre la musique à fond et danser dans le salon. J’veux des balades en bord de mer qui se finissent en baignade improvisée sans déclencher un tsunami. J’veux un appart’ chaleureux, de la légéreté d’esprit. J’veux m’en aller.
Quitter ma carte postale et créer ma propre vie. Loin de la rancoeur et de l’agressivité. Loin de l’envie de me barrer tout le temps dès que je passe la porte d’entrée.
Loin de la quête d’une perfection qui n’existe pas juste pour me rassurer.
J’veux me sentir bien chez moi. Avoir l’énergie de faire de vrais câlins, de prendre mes enfants dans mes bras et les serrer contre moi. De supporter leurs bruits de vie.
J’veux une team, une équipe, une fratrie soudée. Un environnement bienveillant où le droit à l’erreur ne risque pas de déclencher un tsunami.
9 mois plus tard, c’est fait.
Ma carte postale n’a plus d’océan mais des terrils. J’ai pas couru depuis des mois et j’ai pris 10 kilos.
Y’a des jouets partout dans les chambres et des pyjamas trop souvent pas rangés. Des mômes qui rient fort et de la légéreté. Des soirées pizzas TV entassés les uns sur les autres dans le canapé.
Y’a plus de maman et de papa réunis. Mais y’a des parents épanouis. A tout de rôle certes, mais épanouis. Présents et dispo. Des parents qui habitent leur vie au lieu de supporter le poids d’un costume qui ne leur ressemblent pas.
Pour la première fois depuis des années, j’ai cette sensation étrange que tout ira bien. Cette impression d’être à ma place, au bon endroit, au bon moment. Je suis sereine, apaisée. Fière d’avoir osé tout chambouler au lieu de continuer à m’enfoncer dans des idéaux qui n’étaient pas les miens.
Bravo ! D’avoir su remettre les choses en question et prendre les décisions qui s’imposaient dans cette situation qui ne te convenait pas. J’ai une amie très proche que je vois être malheureuse avec son mari et ses enfants ingrats. Elle ne peut pas renier ses enfants, certes, mais pour le mari….. Je la vois s’éteindre au fil des années, ne plus avoir aucun espoir car elle n’a pas les moyens de partir. C’est bien triste. La vie est courte et elle la gâche à attendre de sombrer un peu plus. J’avoue que je joue au loto dans l’espoir de gagner assez pour elle et pour moi !
C’est magnifique ton geste, vraiment <3 N’hésite pas à la diriger vers un CCAS, c’est dur de franchir le pas mais honnêtement il y a plein de solutions pour être accompagnée et aidée dans la transition. Chacune de nous mérite le bonheur et les enfants le ressentent…
Merci d avoir su poser les mots… Ton texte me touche et je m y retrouve tellement !
On ne se connait pas dans la vraie vie, mais j ai la conviction qu’on a vécu et qu’on vit la même chose…
Mes plus douces pensées et plein de bonheur dans ta nouvelle vie !
Merci beaucoup d’etre passée par là… J’ai beaucoup hésité à partager mon parcours mais finalement je me dis que ça ne peut qu’aider. Bon courage à toi pour trouver ton chemin du bonheur <3