La relation mère fille, vaste sujet chez nous.
Qui de nous deux a grandi ?
Qui de nous deux a changé ?
A t’on vraiment changé, au fait ?
A t’on vraiment grandi ?
Et puis, est-ce si important ?
Avec elle, j’ai tout connu, ou à peu près. L’ambivalence des sentiments, les désillusions de la maternité. Le sentiment d’échec en opposition perpétuelle avec l’amour et la fierté. L’incompréhension, les regrets aussi.
Avant elle, j’imaginais la maternité comme un long fleuve tranquille, ou pas loin.
Je ne voyais que les jolies choses, les instants gagas à contempler un bébé endormi, les premiers pas et les premiers mots, les balades au parc à courser les pigeons.
Je n’imaginais pas tout ce que l’on ne m’avait jamais dit.
Que parfois tout n’est pas si simple, pas si rose. Qu’un môme, c’est un être humain, avec, si petit soit-il, son propre caractère, ses propres modes d’expression, ses phases d’opposition et de rébellion.
Avant elle je ne savais rien. J’étais vierge de tout (enfin presque), naïve et sûrement un peu bête aussi.
Elle n’a finalement, jamais été une enfant facile.
On a ramé, toutes les deux. Longtemps, très longtemps. Des années. Elle n’a pas eu de chance, car elle a très tôt du accueillir dans sa vie un autre môme, puis une deuxième, tous deux plus cool, plus malléables, plus « faciles à élever ».
Des mômes qui font ce que tu leur demandes sans trop négocier, qui ne râlent presque jamais, qui ne s’opposent pas ou très peu. Des mômes qui composent avec le fait d’être 3. Que ça ne choque pas d’attendre un peu, que ça ne perturbe pas d’entendre « non ».
Elle est la première. Celle qui a été seule pendant 2 ans, là où ses frère et sœur n’ont jamais connu ça.
Je ne l’ai pas toujours comprise, pas toujours supportée. J’ai souvent eu du mal avec son côté exigeant, avec son opposition constante, avec son besoin d’attirer toujours l’attention. Je n’ai pas toujours compris, même si j’ai toujours cherché à comprendre.
Sûrement en me mettant dans la mauvaise position : celle de l’adulte, de la maman.
Pourquoi, mais pourquoi faut toujours que tu dises non ?
Pourquoi t’embête toujours ton frère ? Pourquoi tu cries systématiquement. C’est quand même fou ce besoin d’avoir toujours le dernier mot. A part embêter le monde, tu cherches quoi au juste ? Pourquoi t’es aussi bordélique, pourquoi tu cherches toujours à attirer l’attention ? Tu peux pas juste faire ce qu’on te demande, histoire qu’on passe pas nos journées à s’embrouiller ?
Comment, mais comment on peut être aussi relou à à peine 4 ans, 5 ans, 6 ans ?
La réponse, je l’avais sous les yeux, sûrement.
Mais j’étais fatiguée, dépassée, exaspérée. Pourquoi tout était simple avec les autres, mais jamais avec elle ? Pourquoi eux disaient oui quand elle disait non ? Pourquoi ELLE était relou, et pas les petits ?
A mesure qu’elle cherchait de l’attention, moi je m’éloignais. Marre de devoir toujours négocier, marre de devoir toujours recadrer, ras le bol de proposer des trucs pour que, de toute façon, ça finisse par partir en live.
Et puis elle a grandi. Ils ont grandi tous les 3. Peut être bien que moi aussi.
En tout cas, je me suis reposée. J’ai quitté un environnement néfaste en tous points. Des relations toxiques, un job qui m’étouffait, une ville que je vomissais.
Elle est rentrée en CP.
Ça y est, elle est différente. Elle est ELLE. Elle a des tas de différences avec ses frère et sœur, maintenant.
Elle est en primaire, chez les grands. Elle a des devoirs. Elle sait lire, et compter. Elle a une lampe de chevet qu’elle a le droit de gérer. Elle a un grand bureau. Un cartable de grande. Elle comprend des choses que les petits ne comprennent pas. Elle a des petits privilèges qu’ils n’ont pas. « T’es encore trop petit, ta sœur est grande maintenant ».
Elle a une vie à elle, sans eux. Des copains qu’ils ne connaissent pas. Des activités qu’ils ne peuvent pas encore faire. Des discussions avec nous que les petits n’ont pas.
Elle a une dent en moins.
Elle a son identité. Sûrement ce qu’elle cherchait depuis des années. Elle n’est plus l’aînée des 3, la tête de la fratrie. Ils ne peuvent plus fonctionner « à trois ». Ils entrent dans l’âge où, même rapprochés ils ont chacun des besoins et des attentes différents. Là où les petits sont encore rassurés de fonctionner en duo, elle s’est démarquée.
J’ai re trouvé ma fille.
On fait des choses qu’on ne fait que toutes les deux. On se raconte des blagues qu’elle seule comprend. On fait des selfies débiles et on se marre tellement on se ressemble physiquement. Je m’exaspère encore de son caractère de cochon, avant de m’apercevoir que le mien n’est pas franchement mieux.
J’aime nos discussions du soir, quand elle me raconte des choses, qu’elle m’en explique d’autres. Ce n’est plus un bébé que je dois gérer. C’est une enfant avec laquelle je co-construis le quotidien. Une grande. Je kiffe me balader avec elle et la voir réfléchir à tout, regarder le monde avec des yeux différents, encore innocents. J’adore démêler ses cheveux longs. La chatouiller et l’entendre rire aux éclats. Écouter d’une oreille quand elle explique à son frère que c’est bon là, y’a pas de quoi râler, qu’il a qu’à s’habiller comme on lui a demandé. Qu’elle veut être tranquille pour lire dans son coin.
La sentir grande.
Une grande relou, mais une grande quand même.
Un peu comme sa mère quoi, relou, mais gentille. Mais relou. Mais gentille.
Avec le recul, je ne regrette pas notre passé commun, aussi compliqué qu’il soit. C’est ce qui nous a faites, forgées. On avait sûrement besoin de ça pour s’apprivoiser. Je ne regrette pas de m’être interrogée à voix haute, insurgée, lâchée parfois. Extérioriser, ça aide à avancer. Ça montre aussi qu’à tout problème il y a des solutions. Que tout n’est pas toujours rose, non, et que se voiler la face ne sert à rien.
Qu’essayer d’avancer sans se confronter à ses démons ne sert à rien, à part peut être à vivre masqué, dans le faux.
Bonjour, un petit message pour dire un grand merci pour cet article, on dirait que tu décris ma relation avec ma fille âgée de bientôt 4 ans ! J’aurais pu écrire la même chose, mot pour mot. Toutes les errances pour chercher des moyens de la faire coopérer face à des oppositions ++. Elle nous pousse à nous remettre sans cesse en question, parfois j’en ai marre, je me sens vidée et l’instant d’après mon cœur explose d’amour. Elle a eu un petit frère en février avec qui c’est tellement simple, c’est dur de se l’avouer. J’espère que le temps et l’âge l’aideront à se trouver, pour l’instant elle exige une attention quasi permanente, les journées peuvent être hard core le week-end ou pendant les vacances, du non stop de 6h du matin à 20h le soir. On sent bien qu’elle cherche, qu’elle se cherche, qu’elle se proclame être une grande fille pour mieux faire le bébé le moment d’après. Bref, ton billet me fait du bien ce soir!
C’est dingue j’ai l’impression de me lire en lisant ton commentaire… Ici c’est toujours compliqué malgré tout, elle aurait aimé être fille unique en fait. J’espère que tes relations vont s’apaiser au fil du temps avec ta grande, beaucoup de courage à vous !