Tu sais, naïvement, je pensais qu’en se mariant, en ayant des enfants, on construisait une famille.
C’est vrai, dans un sens. On est passé de 2 à 3, puis 4, puis 5, avec autant de pages sur le livret de famille, comme pour prouver qu’au fond, on ne forme qu’une seule entité.
Un ensemble, un tout. C’est écrit, c’est indéniable. Pour le meilleur et pour le pire, comme nous a dit Mr le Maire un jour d’été il y a une décennie.
Dans les faits, on l’a sûrement été, une famille. Un jour. Je crois. Il y a… Bien longtemps.
Depuis plusieurs années, l’entité famille n’en portait plus que le nom. On se passait à côté sans s’accorder un regard, sans s’adresser un mot.
On ne partageait plus rien, puisque nous n’avions plus les mêmes goûts et que l’envie de s’ouvrir à l’autre avait disparu depuis longtemps.
On a fait grandir nos enfants, bon an mal an. On a essayé de faire de jolis sourires forcés pour les photos. Tenté les sorties tous les cinq, parce que c’est ce qu’on fait, non, quand on est des parents de jeunes enfants ?
Famille.
J’ai toujours été quelque peu étrangère à ce mot. La mienne s’est disloquée très tôt et je n’ai plus de souvenirs que ceux de mes parents se gratifiant de noms d’oiseaux.
Il m’a fallu 35 ans pour comprendre la puissance et la beauté de ce mot.
Famille. Un ensemble uni. Des rires qui se multiplient, des peines qui se divisent par autant de membres prêts à les porter et à monter au front.
Des individus que rien ne destinait à vivre ensemble finalement soudés comme jamais. Un plaisir de se voir, de se retrouver, de se parler, de partager.
Le bonheur de dire « je t’aime » et de le ressentir vibrant au fond de soi. Celui de se blottir contre ce corps qui nous manque tant lorsqu’il n’est pas près de nous. Cette capacité à déplacer des montagnes parce qu’ensemble on est forts et puis c’est tout.
Les soirées tous ensemble entrelacés dans le canapé. Les miettes qu’on fout partout, les verres d’eau qu’on renverse et qui nous font rire après tout. Le besoin viscéral d’être tous réunis. Le sentiment de vide lorsqu’il manque l’un de nous.
Cet équilibre, cette sensation d’unité. De complétude, d’appartenir à un tout.
J’apprends à ne plus compter que sur moi-même. J’apprends l’indulgence et la bienveillance envers moi. J’apprends à être aimée telle que je suis, pour la personne que je suis, même avec 10 kilos en trop. J’apprends à entrer dans une maison qui n’est pas la mienne et à malgré tout m’y sentir chez moi.
A serrer sincèrement d’autres adultes dans mes bras. A leur écrire depuis mon coeur combien ils comptent pour moi.
J’apprends l’équilibre et la légèreté. Je la fais découvrir à mes enfants. Ils découvrent le concept de vivre ensemble sans seulement se passer à côté. On apprend à parler de nous, sans filtre, sans crainte que demain nos propos soient retenus contre nous.

J’apprends à m’endormir sereinement contre un corps dont je savoure la présence près de moi. A marcher dans la rue en lui tenant la main. Je redécouvre le plaisir des câlins et des bisous.
J’apprends la famille. Celle qui sonne vraie. Celle qui t’accueille et t’accompagne au quotidien. Le bonheur d’être ensemble. Le plaisir d’être un tout.
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