A peine. Peut être même pas. Je n’ai pas compté, pas regardé, pas pensé.
C’est un soir comme les autres. Un soir où je suis fatiguée – comme toujours -, où les mômes ont des millions de trucs à raconter, où ma tête bourdonne de tous ces cris aigus, où je me dis « vivement 20 heures qu’ils soient couchés ».
Il est 19h57 quand j’écris ces mots et j’en ai toujours deux sur trois, soit dit en passant.
Comme chaque soir, elle a pigné devant son assiette. Hurlé serait plus juste, en fait.
Un micro bout de steak et deux frites et déjà elle commençait à essayer de s’échapper de sa chaise haute, hurlant « y veut pluuuuuus » à m’en briser les tympans.
Je n’y ai pas vraiment prêté attention. J’ai une faculté à me mettre dans mon monde, loin de tout, même au beau milieu des cris. Je ne vois rien, je n’entends – presque – rien. Je ne sais pas où je suis, mais pas là en tout cas.
L’homme a menacé. Si tu manges pas, c’est le lit. Elle a dit non. Elle a hurlé. Il l’a emmenée dans sa chambre. Elle a promis de manger. Il l’a ré-installée, et elle a illico repoussé son assiette et hurlé encore, comme pour asseoir le « j’m’en fous j’fais c’que j’veux ». L’adolescence version 2 ans.
Evidemment, l’homme s’est levée et l’a, pour de bon cette fois, mise au lit.
Elle a hurlé. Encore.
Nos soirées sont passionnantes, avoue que tu m’envies.
Peu à peu, je suis sortie de mon monde, reconnectée à la réalité. J’ai entendu pour de bon ce petit bout de fille qui criait dans son lit.
Il fait tout noir, là dedans. Seule les étoiles de l’ami hippo dansent au plafond. J’avance à pas feutrés. Elle se lève, toujours en hurlant.
« Mets toi debout ma belle ».
Ses bras trouvent naturellement leur place autour de mon cou. Elle s’assied en grenouille sur mes avant bras, comme en écharpe ou en porte bébé, comme quand elle n’était qu’un petit bout de bébé tout frais. Je plonge mon visage dans son petit cou, ses petites bouclettes me chatouillent le nez.
Elle ne pleure plus. Elle respire doucement. Je n’ai rien eu à dire, elle s’est arrêtée comme ça, comme par enchantement.
J’entends sa petite respiration. Je me shoote à cette odeur si particulière de la beau de bébé. Je renifle ses cheveux, je serre sa petite épaule dans ma main. Mes mots sont ridicules comparé à la force de cet instant et à ces détails aussi importants qu’insignifiants.
Deux minutes et demi. A peine.
Il y a avec elle ce petit quelque chose de particulier. Comme cette première nuit passée les yeux dans les yeux à la maternité. 8 heures à se regarder intensément, à se parler sans se dire un seul mot. Comme quand elle était là, au chaud, sous le gras de mon bidon. Que ses petits pieds me ravageaient les côtes et la vessie aussi, accessoirement.
Comme quand elle se serre contre moi lorsqu’elle entend les premières notes de cette chanson qui a rythmé ma grossesse et mes premières heures d’accouchement.
Intense. Je ne vois pas d’autre mot.
Avec elle, tout est différent. Je vois déjà venir les « haaaan elle fait des différences entre ses mômes », « bouuuhhh elle a sa préférée ».
La première est particulière parce que c’est la première. Elle t’apprend tout. Avec elle tu n’es qu’un newbie qui découvre la vie.
Le deuxième est particulier parce qu’il est le deuxième. Tu sais déjà, du moins, tu crois.
La troisième est particulière parce que c’est la dernière. Parce qu’on a failli se louper toutes les deux aussi.
Elle est la toute dernière, mon dernier bébé. De quatrième il n’y aura pas. Elle est tout ce qu’il me reste de « petit ». Elle porte des petits vêtements, des petits chaussures, elle ne parle pas encore bien distinctement, elle a encore ces traits tout fins du petit bébé, elle porte encore des couches et ne sort jamais sans son doudou.
Mais, ne nous méprenez pas. Elle est indépendante, comme moi. Nous ne sommes pas fusionnelles, du tout. Elle ne passe pas des heures dans mes bras, ne me couvre pas de bisous, c’est à peine si elle me calcule le soir en rentrant. Elle, son grand bonheur, c’est papa.
Et pourtant. Il y a ce lien invisible qui nous lie lorsque mes yeux plongent dans les siens.
Comme si à nouveau on ne faisait plus qu’un. Comme si elle était encore là, au chaud, bien au chaud. Je sens presque ses mouvements.
J’ai encore la sensation de ses cheveux raides mais bouclés sur mes doigts. Dans le nez l’odeur du creux de son cou. Dans les yeux ce regard pénétrant. Ces mots ne riment à rien comparé à l’intensité de ces sensations. De mots il n’y a pas, où alors je ne les trouve pas.
Deux minutes et demi.
Deux minutes et demi hors du temps. Ne plus penser à rien. N’être là qu’avec elle, que pour elle, que par elle. Flotter comme sur un nuage, au dessus de tout. Au dessus de ce petit lit à barreaux, des étoiles de l’hippo et du doudou crachou. Seules au monde sans personne, sans la télé qui rabâche les mêmes âneries en boucle dans le salon, sans le frère qui râle de ne pas trouver son doudou, sans la grande sœur qui rit aux éclats avec son papa.
Deux minutes et demi, c’est rien du tout.
C’est rien du tout mais c’est tellement…
Ce texte est niais et mal écrit. Il est à mille lieux de mes émotions. Il en manque au moins la moitié, voire les trois quarts, à peu près. Mais de ce qui me reste encore comme sensation je ne veux pas oublier. Alors je cliquerai quand même sur publier… M’en voulez pas ;)
<3
Ton texte m’a donné la chaire de poule et les larmes aux yeux. Je viens de passer une nuit pourrie parce bebe n’a pas voulu dormir autre part que dans les bras… rien n’y a fait… j’avais aussi son odeur sous le nez des petites joues rondes et sa respiration dans les oreilles… ca vaut toutes les nuits pourries du monde *Enfin peut etre pas… merci pour ce texte.
On t’en veut pas, au contraire on te dit merci. De mère à mère, même si tu penses avoir oublié la moitié, on se comprend. Je frissonne, parce que cela fait écho en moi… Ces sentiments, ces sensations brutes, on ne pourra peut-être jamais trouver les mots pour les dire. Les évoquer, au mieux. C’est déjà beaucoup, parce que moi aussi parfois, dans ces minutes volées au monde, j’ai peur, un jour, d’oublier…
Je n’écris pas souvent, je te lis presque tout le temps et j’ai les larmes aux yeux aussi, je suis blottie sous une couette dans la chambre au pied du lit de ma deuz qui refuse de dormir car elle a fait 3 ans il a quelques jours et je respire aussi comme toi ce bonheur avec ma troisième et dernière qui a 11 mois. Et e ressens les mêmes choses. Souvent dans tes autres articles aussi. Je te comprends si bien, c’est si dur parfois avec trois enfants. Et j’admire le fait que tu exprimes tout ce que tu ressens. Je te suis avec un grand plaisir, comme si je prenais des nouvelles d’une amie en lisant ton blog. Je fais lire parfois mon mari aussi et il comprend aussi….
En fin désolée pour ce long commentaire !!