C’est une remarque qui vient souvent lorsqu’un sportif discute avec son entourage. Pourquoi tu cours ? Voire, pourquoi tu t’infliges ça ?
Ça interroge, je le conçois. Moi-même il y a quelques années, je n’aurais pas imaginé qu’on puisse se lever à 7h du mat’ un dimanche pour aller courir 20 ou 40 bornes.
La réponse n’est pas évidente. Chacun court pour ses propres raisons.
Il n’y en a rarement qu’une, et elles varient en fonction du moment, de l’objectif, de l’envie.
Parfois je cours parce que c’est dans le programme, parfois parce que j’ai besoin de me vider l’esprit. D’autres fois pour me donner bonne conscience après m’être gavée au restau. Parfois je cours juste pour ne pas foutre en l’air les entraînements précédents, ou pour me prouver que j’en suis capable.
Ça dépend.
J’ai commencé à courir par défi et pour avoir un truc à moi après 3 enfants rapprochés et 4 ans à alterner ou combiner grossesse, allaitement, nuits pourries et journées que je ne voyais pas filer.
J’avais besoin d’un truc qui n’appartienne qu’à moi. Qui n’engage que moi et ma volonté. Que je pourrais caser facilement dans mon emploi du temps, sans avoir d’horaire ni de cadre à respecter. Un truc que j’avais jamais fait avant.
C’était il y a 5 ans, et hormis pour des raisons indépendantes de ma volonté, je ne me suis plus jamais vraiment arrêtée.
Je suis restée longtemps une coureuse du dimanche, dont le seul objectif était de claquer la porte et oublier les négociations sans fin pour les pâtes étoiles plutôt que des spaghettis ou une guerre éclair pour une question de taille de morceau de pain.
Et puis j’ai intégré la course à pied dans mon mode de vie et dans le développement de la personne que je suis.
Je m’en suis servie comme d’un guide, pour me prouver que j’étais capable à m’engager dans la durée dans une activité. Que j’aurais un mental suffisant pour m’astreindre à 3 sorties / semaine quelle que soit les tentantes occasions d’annuler ou de reporter qui s’offriraient à moi.
Je me suis appuyée sur ma progression pour vaincre un syndrome de l’imposteur assez marqué. Je suis passée du « laisse tomber c’est trop compliqué » à « ça prendra le temps qu’il faudra mais tu y arriveras ».
Ma pratique sportive m’a beaucoup appris et a encore beaucoup à m’apprendre, c’est certain.
Au delà du chrono sur une montre ou d’une distance parcourue, c’est ce que je recherche dans mon activité : être à l’équilibre, me sentir bien.
Prendre du plaisir à faire ce que je fais.
A mon niveau, ce sport reste un loisir, et je crois ces dernières semaines franchir une nouvelle étape dans ma connaissance de moi : pour me réaliser, j’ai besoin de m’éclater.
C’est vrai dans ma vie perso, vrai dans ma vie pro également, et logiquement vrai dans ma vie sportive aussi. Je peux faire des efforts, me donner à fond pour atteindre un objectif précis, mais uniquement sur une période donnée et à condition d’avoir un but clairement fixé dès le début.
Sinon, ça me saoule, et je vais voir ailleurs si j’y suis.
C’est ce qui se passe avec le plan que je suis actuellement pour préparer mon prochain semi.
Objectif chrono ?
J’ai choisi un plan avec un objectif de temps, et clairement, 2 séances sur 3 par semaine me saoulent royalement. La vitesse, c’est pas ma came, en tout cas pas aussi régulièrement.
Je ne me suis pas amusée, mais alors pas du tout du tout, sur mes dernières sorties. Ce qui m’a amenée à me mettre face à moi-même et à m’interroger.
Il y a la part de toi qui te balance des phrases bateau telles que « c’est dans l’adversité qu’on reconnaît les meilleurs », « entraînement difficile, course facile », « no pain no gain » et compagnie.
Et celle qui prend du recul et se demande, au fond, qu’est ce que tu veux toi ?
Est-ce que tu veux vraiment éclater ton chrono sur semi ? Est-ce que t’as pris ton dossard en te disant « allez, je vise 2h10 » ? La réponse est non, et je suis convaincue que c’est pour cette raison que cette prépa me coûte autant.
Elle m’emmerde parce que je ne la fais pas pour les bonnes raisons.
Je la fais parce que c’est « logique », c’est le plan suivant celui que j’avais suivi pour le Mont Saint Michel, et puis la tacite règle de la progression ne veut-elle pas que l’on s’améliore forcément avec le temps ?
Oui mais : retour aux fondamentaux : pourquoi tu cours ?
Parce que ça me fait kiffer. Je me balade, ça m’amuse, accessoirement ça me permet d’apprendre des tas de trucs sur moi, de persévérer, de croire davantage en moi, de pouvoir manger des Mc Flurry sans culpabiliser, mais avant tout parce que ça me fait kiffer.
Avant mes vacances, j’étais en super forme, ma vitesse progressait, ça m’éclatait et j’ai pris le départ d’une course avec l’objectif d’améliorer mon temps, parce que c’est ce qui m’éclatait à ce moment là.
En ce moment, j’ai d’autres objectifs, ailleurs, qui me prennent pas mal d’énergie, et clairement j’ai surtout besoin / envie de me vider le cerveau.
Alors je vais adapter mon plan d’entraînement.
Je ne suis pas prête à subir actuellement, ça ne fait simplement pas partie de mes priorités. Je n’ai pas d’objectif de vitesse pour Auray-Vannes, seulement l’envie de courir un joli semi avec mes copines, et de franchir la ligne d’arrivée en me disant que j’ai kiffé le moment.

Alors, je suis pas contre un peu de progrès, et donc je vais remplacer les 3km à allure cible par 3km plus rapides par exemple et puis voilà.
Il me semble important de savoir déterminer ses limites, se recentrer sur ses objectifs à soi, ses propres priorités, au delà de la logique ou de l’implicite pression à l’oeuvre à l’heure des réseaux sociaux.
En fait, tu veux surtout pas te fouler ? T’as pas envie de progresser ?
Ne pas courir pour la perf’, c’est pas toujours très bien vu. On te fait comprendre que le sport, c’est ça, qu’il faut souffrir pour avoir mal et que si t’en chies pas à l’entraînement, t’es pas vraiment un sportif après tout.
Je ne compte pas rentrer dans ce débat sans fin. Je conçois et respecte que l’on puisse mettre le sport à ce niveau là dans sa vie et être porté par la quête de la performance avant tout.
On a qu’à dire que ma performance à moi est peut-être davantage dans ma tête que sur ma montre, si vous voulez.
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