Le temps.
Je ne saurais dire s’il est ami ou ennemi. Je sais qu’il me manque, souvent.
Que je lui reproche de me filer bien trop vite entre les doigts, aussi.
Je suis de ces gens que le temps qui passe angoisse un peu. J’y pense souvent, beaucoup, trop. Qu’il s’agisse ou non des enfants, mais surtout quand il s’agit d’eux, il faut bien l’avouer. J’ai sans cesse peur d’oublier. Les petits détails, la taille des petites mains, les petits plis d’une peau de bébé. La voix de ma grand mère, le premier éclat de rire de mes bébés.
J’ai peur de regretter. Regretter ces tout petits instants auxquels on ne prête attention que lorsqu’ils sont presque déjà terminés. Un fou rire inopiné, un exploit inattendu du petit dernier. Peur de ne pas en avoir suffisamment profité.
Le temps. C’est presque une obsession. J’y pense tout le temps.
Surtout lorsque je suis avec eux. Je passe mon temps à me dire que ces bons moments que nous venons de vivre sont déjà terminés. Qu’ils vont me manquer. Que je voudrais ne jamais les oublier.
Je voudrais toujours tout savourer, tout garder. Je suis cette nana qui garde jusqu’à l’emballage de ses cadeaux, la boîte des premières chaussures de l’aînée, tous les dessins de tous ses enfants. Qui hésite à manger les douceurs fraîchement achetées parce que « si je mange tout tout de suite, il n’y en aura plus après » (et qui les retrouve moisies 10 jours après).
Qui ne réponds pas de suite au texto tout gentil reçu d’une amie parce qu’elle veut savourer encore et encore combien les mots l’ont touchée – et qui du coup, finit par zapper de répondre tout court, évidemment.
Je suis celle qui voudrait tout garder. Tout emprisonner. Là, précieusement. Les voix, les sourires, les yeux qui pétillent, les mèches de cheveux, les bouilles de bébé, les moments partagés, des plus forts aux plus anodins. Ce n’est pas pour rien, que j’aime à ce point la photo, je crois.
Le mari, lui, est à l’exact opposé. Il faut dire que contrairement à moi, il a une mémoire d’éléphant. Oui, moi, paradoxalement, j’oublie tout.
De mes clés à ma carte bleue, en passant par les heures de mes RDV médicaux, jusqu’à l’âge auquel le Chef Mini a commencé à se tenir assis.
Le mari, lui, est capable de te resortir une phrase anodine que tu lui as prononcée 10 ans plus tôt, mot pour mot.
Il est aussi de ceux qui aspirent toujours à ce que demain soit déjà là.
Les enfants étaient à peine nés qu’il avait déjà hâte de les voir marcher.
Il est pressé que le Chef Mini soit grand, qu’il joue au foot, fasse du vélo. Il est impatient que Micro-Bébé commence à marcher, de la voir chancelante, fière d’être debout mais avançant encore d’un pas mal assuré.
Je ne le comprends pas. Je m’agace, souvent, même, de l’entendre dire ça.
Je lui reproche de ne pas suffisamment en profiter. De ne pas assez savourer l’instant présent à trop réfléchir à ce que l’on fera de bien demain.
Je me dis que si demain Mini jouera au foot, aujourd’hui, il joue aux petites voitures. Si demain la Micro-Fille marchera, aujourd’hui elle s’assied seule, bave et sourit (et en silence… Ca n’a pas de prix !).
Et la grande !? Elle est chiante, la grande, mais elle a 4 ans. Plus encore bébé mais pas tout à fait grande pour autant. Elle a 4 ans. Un sourire de 4 ans, toutes ses dents de lait, elle apprend à compter, connaît des paroles de chanson. Ça aussi, je veux le savourer, même ces moments où elle ne cherche qu’à nous faire râler.
Je ne suis pas pressée qu’ils grandissent. Je ne me lasse pas de les observer, là, aujourd’hui. D’essayer de tout retenir, de tout conserver. Là où je voudrais parfois arrêter le temps, lui rêve de l’accélérer.
Mais peut être que je ferai mieux de le laisser couler, et de simplement, sans me poser de questions, en profiter…
Un bien joli article!!!
Je suis comme toi. J’ai passé 13 mois à la maison avec LittlePirate et je ne pouvais m’empêcher de compter et de regretter avant même que ce soit fini cette parenthèse enchantée qui filait trop vite. Des fois il faudrait pouvoir débrancher le cogitron pour juste profiter…