2015 : année noire. Année de cette chute qui ne dit pas son nom, le burn-out professionnel.
Mon job, je me réjouissais de le reprendre en janvier après 6 mois de congé maternité et autant de congé parental à dorloter ma Micro-Bébé.
Est-ce moi qui n’ai pas su m’adapter à ce nouvel environnement, est-ce que j’étais trop attachée à mon ancienne équipe, est-ce que je me suis trop déconnectée du monde de l’entreprise pendant ma période « 100% bébé » ? Je ne sais pas.
Burn-out professionnel : la jeune mère, cible facile ?
Des enfants, j’en ai eu trois, je me suis arrêtée trois fois et trois fois longtemps, j’ai changé 5 fois d’équipe et de lieu de travail en 5 ans, et ça s’est toujours super bien passé.
Si l’on enlève cette expérience pourrie d’il y a quelques années où le boss s’offusquait que je puisse vouloir quelques jours pour enterrer mon père à l’autre bout de la France alors que je n’avais pas 6 mois d’ancienneté, c’est ma première expérience si chaotique de l’entreprise.
J’ai toujours été du genre passionnée par mon job, ne comptant ni mes heures ni les services rendus ici et là, je me suis toujours sur-investie dans ce que je faisais, et chaque fois j’ai su m’intégrer à l’équipe et faire figure de collègue sympa sur qui on pouvait compter et avec qui on pouvait franchement déconner.
Difficultés d’intégration?
Enfin, si. Je me suis intégrée, là n’est pas le soucis. Mais dès les premiers jours dans ce nouvel environnement, j’ai ressenti cette chape de plomb qui pesait sur les épaules de chacun. Les sourires étaient crispés, les visages fermés.
J’ai appris plus tard que deux de mes collègues étaient venues au bureau en pleurant les deux premiers mois après leur arrivée.
Je sais que je ne suis pas seule à avoir pété les plombs.
Je le sais sans le savoir en fait. Je n’arrive pas encore à me dire que tout ça n’a rien à voir avec moi.
Je me dis que j’ai forcément merdé quelque part, pour en arriver là.
Alors j’essaye de trier et de décortiquer toutes ces choses qui m’ont amenée à préférer l’idée de me pendre que de retourner au bureau.
Le burn-out professionnel, un phénomène insidieux ?
En premier lieu me vient à l’esprit cette ambiance pesante décrite plus haut.
L’hyper contrôle de tout. Le « on vous fait confiance » mais on passe notre vie derrière à tout contrôler. Les RDV minutés, les responsables qui débarquent à l’improviste pour vérifier que l’on n’est pas en train de buller ou de Facebooker, alors qu’on est en plein rendez-vous.
Des dialogues surréalistes du genre : « c’était pas 1h ton RDV » « Si, et ça fait 59 minutes que j’y suis seulement… ».
Les pressions du style « pose plutôt tes jours par mail ou viens nous voir, c’est plus facile à refuser que dans le logiciel RH… ».
L’absence de choix, presque de légitimité. Tu fais ce qu’on te dit, que ça te plaise ou pas, que tu y croies ou pas, que ça te corresponde ou pas.
La manipulation. Tu auras ton mercredi à condition d’accepter de porter un projet. Je ne te dirai que quelques mois plus tard que c’est le projet boulet dont personne d’autre ne voulait.
Les fausses responsabilités. Je te demande de te débrouiller avec un truc et de gérer comme tu le sens, mais je contredis toutes tes propositions.
L’absence d’encadrement. Enfin, si, pour bitcher sur les N-1 (et même les uns sur les autres). En revanche, ne leur pose surtout pas la moindre question. Du « je sais pas » à « cherche dans les notes internes » il n’y a qu’un pas.
Le must du must étant le « je sais pas faut demander à un responsable »… Quand tu demandes de signer un document à… Un responsable. CQFD.
Quand le malaise est collectif mais les souffrances individuelles.
Les collègues qui tombent comme des mouches. Les micro-révoltes entre deux gamelles le midi, et le silence pesant quand soudain l’un des chefs fait son entrée.
Les gens au bord des larmes, à bout de nerfs, tout le temps. Ceux qui disparaissent de la circulation du jour au lendemain sans que l’on sache vraiment pourquoi. Les plaintes incessantes « y’a toujours des gens en maladie », sans que jamais les grands pontes ne se demande « mais pourquoi y’en a t’il autant ? ».
La mère de famille qui vient un beau matin en te disant qu’elle veut démissionner, qu’elle n’en peut plus. C’est pas qu’elle puisse se passer de son salaire, juste que nerveusement elle n’y arrive plus.
Je te passe les changements d’agenda à H-1 et les trucs à faire pour avant-hier, ça c’est presque devenu normal, au fil du temps.
Burn-out professionnel : et si c’était moi, le problème ?
Je sais que je porte chaque jour un peu de trouille et de culpabilité aussi. Je n’arrive plus à vivre sereine depuis ces derniers jours de travail où j’ai bien cru imploser. Oui je suis en arrêt. Mais je ne me peux pas m’empêcher de penser qu’un jour je devrai peut être retourner là bas. J’ai la tête qui tourne, le bide en vrac, de l’hypertension et la nausée rien que d’y penser.
Je ne peux pas m’empêcher de me dire que j’ai été faible de ne pas savoir résister à la pression. Que j’aurais du savoir gérer, que c’est nul de s’être laissée envahir et débordée.
Je peste contre moi-même d’avoir, à cause de ça, rendu fragiles autant de choses dans ma vie. Je flippe de mon avenir incertain. Je sais que, au delà de ce poste là dans cet établissement là, c’est mon job qui me file la nausée.
Je me trouve idiote d’avoir gardé ça pour moi. De m’être lâchement arrêtée sans alerter qui que ce soit. J’ai bien tenté une approche des syndicats, qui m’ont répondu que si j’étais seule à me plaindre ça n’irait pas bien loin. Mes collègues ayant déjà du mal à dire non à un truc pourri en réunion, je les vois mal lever le bouclier et oser clamer leur mal-être quotidien.
Je peux comprendre ceci dit. On est en 2016, on a un job, presque tous une maison sur le dos, des mômes à nourrir, parfois un conjoint qui ne travaille pas. Que certains puissent ne pas vouloir prendre de risque et préfèrent prendre sur eux peut s’entendre, même si moi je n’ai pas réussi à continuer.
Il y a 4 ans, j’aurais donné n’importe quoi pour être embauchée. Aujourd’hui, je donnerais n’importe quoi pour pouvoir me permettre de claquer la porte définitivement.
Je sais que mon fragile équilibre retrouvé ne tient qu’à un fil : celui de ne pas devoir retourner au bureau.
Alors, peut être considérer l’absence de soutien, de considération, de communication, le contrôle extrême, le retrait de toute latitude d’auto gestion, les directives perso que l’on te balance à la volée en réunion, les façons de parler un peu hautaines voire condescendantes, les responsables qui ne disent pas bonjour le matin, peut on considérer tout ça comme une violence ordinaire, ou est-ce moi qui finalement, ne supporte vraiment rien… ?
Bonjour Maëline!
Merci pour ce témoignage poignant ! Le mal être au travail est quelque chose de plus en plus répandu et qui est pourtant la cause de beaucoup de malheur!
Bonne chance!